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Guatemala : « Le fleuve coule comme il veut. Nous lui devons le respect. »

Guatemala : « Le fleuve coule comme il veut. Nous lui devons le respect. »

Lors de sa venue en Suisse du 7 au 11 mars, Pedro Tzicá nous a confié à quel point l’eau et la nature sont importantes pour les populations autochtones guatémaltèques mais aussi comment les mégaprojets sont des menaces qui pèsent sur leurs vies.

Lutte autour de l’eau dans le département du Quiché

Pedro Tzicá vit dans un village de la région de Cunén, dans le département du Quiché au nord-ouest du Guatemala. Avec le Conseil des communautés du Cunén, il s’oppose à des grands projets économiques. Le Cunén est situé au cœur des bassins fluviaux des fleuves Chixoy, Cutzalá et Xacbal, ce qui aiguise les intérêts d’entreprises qui souhaitent y implanter des projets hydroélectriques. Rien que sur ces trois fleuves, 18 projets sont planifiés, en construction ou déjà en service. Au Guatemala, le Ministère de l’énergie et des mines accorde des licences de construction sans faire participer la population locale à la décision. C’est ainsi que la plupart des fleuves de la région sont privatisés et que les habitants perdent leur droit à l’accès à l’eau. Les victimes sont généralement des petites communautés paysannes autochtones, qui puisent leur subsistance dans l’eau. Elles sont ainsi dépendantes des fleuves : culture, élevage, ménage, cuisine et bien sûr consommation.

Le concept controversé du «développement»

Les projets hydroélectriques sont souvent présentés par les autorités comme étant une source de « développement » pour les communautés autochtones. Les entreprises et l’Etat estiment que c’est là un moyen de soutenir et faire avancer les régions rurales. Or, « ce n’est pas du progrès, ce n’est qu’un moyen de nous appauvrir encore plus », conteste Tzicá. Les projets hydroélectriques transforment les fleuves, les assèchent ou les détournent et prive les communautés de l’eau, si précieuse pour elles. « Cela viole notre droit de disposer d’un accès à l’eau », dénonce le Guatémaltèque. Il explique que dans son pays, les bassins fluviaux font partie des bien collectifs ce qui empêche les communautés indigènes de revendiquer qu’elles en sont les légitimes propriétaires. En outre, toute personne qui s’oppose à la construction des usines hydroélectriques et d’autres mégaprojets est criminalisée dans les médias et dans les discours publics et est accusée d’être contre le progrès. « Nous ne sommes pas opposés au progrès. Nous sommes juste un peuple qui cherche son propre développement », précise Pedro Tzicá. De fait, les projets ne profitent pas aux communautés autochtones mais à l’économie.

«La nature est comme une mère»

Pour Pedro et les communautés autochtones du Cunén, ni les entreprises ni l’Etat ne respectent la nature ou les fleuves avec de tels mégaprojets. « Les fleuves coulent comme ils veulent. Nous leur devons le respect. Ce n’est pas parce qu’on a de l’argent qu’on peut faire n’importe quoi avec les fleuves, c’est leur manquer de respect. Par nature, le fleuve est à sa place, qui a le droit de les modifier ? ». Pour Tzica et sa communauté, « la nature est comme une mère » et c'est pour cela qu'elle mérite le respect, tout comme les fleuves qui en font partie. « Si notre mère tombe malade, nous aurons tout perdu. » Le Guatémaltèque a déjà en tête d'autres alternatives pour les fleuves. A l'instar de ce qui se fait déjà dans d'autres régions, il souhaite que sa communauté soit seule responsable de la production d’énergie hydraulique. Le plan ? Les habitants construiraient leurs propres turbines qui approvisionneraient les villages en énergie. « Nous voulons des avancées pour nos communautés et des projets qui sont menés par et pour celles-ci ! »