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Guatemala : Etat des lieux, vingt ans après les Accords de paix

Guatemala : Etat des lieux, vingt ans après les Accords de paix

Le 29 décembre 1996, le gouvernement guatémaltèque et la guérilla de la Unidad Revolucionaria Nacional Guatemalteca (Unité révolutionnaire nationale guatémaltèque) signaient un "Accord de paix ferme et durable" mettant ainsi fin à l'un des conflits internes les plus longs et les plus violents du continent américain. Une sanglante guerre civile a en effet sévi pendant 36 ans au Guatemala et a engendré divers actes génocidaires contre les peuples autochtones. Deux décennies plus tard et face aux nombreuses contradictions entre les Accords de paix et la réalité, l’anniversaire de la signature appelle à dresser un bilan.

Acteurs de la société civile, d’ennemis à partenaires ?

A l’occasion de ce vingtième anniversaire des Accords de paix, PBI Guatemala a organisé un forum public le 5 octobre 2016 et avec le soutien de la Fondation Rosa Luxembourg. Au cours de celui-ci, parole a été donnée à plusieurs défenseuses et défenseurs des droits humains (DDH) que PBI accompagne – Rosalina Tuyuc, Andrea Ixchíu, Marcos Ramirez et Yuri Melini – pour qu’ils s’expriment sur leur situation actuelle. Lors de l’événement, plusieurs questions ont été abordées, notamment les progrès réalisés ces dernières années ou encore les défis passés, présents et futurs. A la suite de l’événement, une publication recueillant la mémoire des activistes guatémaltèques a vu le jour. Objectif des 44 pages : examiner la manière dont l’Etat perçoit aujourd’hui les acteurs de la société civile, le rôle de cette dernière et des DDH dans ces Accords de paix, ainsi que les politiques publiques et les cadres juridiques créés pour fournir des espaces (ou non) à l'exercice de la citoyenneté au Guatemala. Avec cette publication, PBI Guatemala souhaite contribuer à la discussion sur l'équilibre entre Accords de paix et réalité guatémaltèque.

Et vingt ans plus tard ?

Si de nouvelles politiques générales conformes aux principes d’une société démocratique et de la sécurité humaine ont été élaborées, des formulations alarmantes subsistent notamment dans la Politique de sécurité nationale (2012). Au travers de celle-ci, les autorités prétendent promouvoir la sécurité en encourageant des projets d’investissements privés. Dans la même veine, la Doctrine de l’armée a inclus la sécurité intérieure dans ses fonctions. C’est ainsi que les nouvelles formulations ouvrent la porte à des interprétations contradictoires par rapport aux engagements contenus dans les Accords de paix. Toutefois, la publication de PBI Guatemala identifie des mesures positives à l’instar de la création de plusieurs institutions, ainsi que des mécanismes pour évaluer et surveiller la situation des droits humains et protéger les civils et les acteurs de la lutte contre l’impunité. Malgré cela, ces avancées sont aujourd’hui menacées et, dans tous les cas, sont davantage imputables à l’engagement constant des acteurs de la société civile qu’à un profond changement d’attitude de la part du gouvernement. C’est en effet dans la mise en œuvre des Accords que l’on peut identifier de nombreuses lacunes et contradictions. Des actions négatives prévalent sur une mise en œuvre active et consciente de la réforme de la sécurité démocratique. De plus, un discours public diffamatoire et des attaques contre les acteurs de la société civile témoignent de l’accumulation de pouvoir de certains secteurs de la société guatémaltèque qui souhaiteraient maintenir les structures économiques et sociales d’exclusion, la marginalisation et l’inégalité par des politiques répressives et une sécurité antidémocratique. Il y a, dès lors, un énorme fossé entre les compromis et les obligations de l’Etat découlant des Accords de paix et la réalité actuelle.

Recommandations

Afin d’éviter la répétition de violentes réponses de l’Etat aux conflits sociaux assorties de graves violations des droits humains, les mesures contenues dans le chapitre des Garanties de non-répétition, principalement des réformes de l’appareil sécuritaire, ne suffisent pas. Il serait également nécessaire de mettre en place l’ensemble des éléments d’une politique de traitement du passé (vérité, justice, réparations et garanties de non-répétition), de même que des changements structurels agissant sur les causes profondes du conflit.

Vingt ans après leur signature, il demeure extrêmement urgent de mettre en œuvre de manière intégrale tous les compromis des Accords de paix qui impliqueront des changements dans les systèmes économique et social.