Le 10 décembre prochain marquera le lancement de la campagne onusienne Our rights, our freedoms, always (nldr, « Nos droits, nos libertés, toujours ») consacrée aux 50 ans des deux pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme adoptés en 1966 : l’un concernant les droits économiques, sociaux et culturels et l’autre les droits civils et politiques.
Bien que cela soit écrit en toutes lettres et malgré leur demi-siècle d’existence, les droits inscrits dans ces deux pactes peinent toujours à être appliqués concrètement. La Colombie offre un cas concret. Bien qu’elle ait ratifié ce pacte depuis maintenant 46 ans elle peine à le faire appliquer. Notamment le deuxième alinéa de l’article 1 du Pacte international des droits civils et politiques en Colombie qui stipule que « Tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance ».
La problématique de la distribution des terres
La Colombie est gangrénée par un conflit armé qui a commencé dans les années soixante (mais dont les racines remontent aux années quarante). Ainsi, près de 6 millions de Colombiens furent déplacés, majoritairement des petits paysans, des communautés autochtones et des populations d’origines africaines. Sans occupants, de nombreuses terres furent spoliées par divers groupes armés. Lorsque certains habitants voulurent retourner sur leurs anciennes terres ils constatèrent que celles-ci avaient été vendues. De nombreuses parcelles furent acquises illégalement par des entreprises nationales et internationales souvent aux fins d’y pratiquer la monoculture mais aussi d’en extraire les ressources naturelles (en particulier l’or et le charbon).
Afin de remédier à cette situation, le gouvernement colombien a adopté, en 2011, la Loi 1448 relative aux victimes et à la restitution des terres, qui met en place plusieurs mécanismes de protection en faveur de la population civile qui fait face à des menaces lorsqu’elle s’engage dans le processus de restitution des terres.
Cependant, des lacunes persistent. En effet, les terres accaparées avant 1991 ne rentrent pas dans le cadre de la loi 1448. De plus, il existe un manque flagrant de prise de mesures en faveur des personnes réclamant leurs terres. Les mécanismes mis en place sont très lents et, jusqu’à présent, seule une infime partie des personnes spoliées a pu récupérer ses terres. Par ailleurs, les activistes sont victimes de menaces et de violences, certains ayant même été assassinés par des groupes paramilitaires. Certains se voient ainsi contraints de fuir à l’étranger. Selon Amnesty, entre janvier 2008 et mars 2014, 66 personnes s’impliquant pour la restitution des terres ont été assassinées et cela en toute impunité.
La présence indispensable de PBI
C’est pourquoi l’accompagnement physique et politique réalisé par PBI est essentiel. PBI accompagne en Colombie plus de treize associations de protection des droits humains ainsi que trois communautés. La présence des volontaires sur le terrain permet aux activistes menacés de poursuivre leur travail, notamment celui réalisé en faveur de la restitution des terres.
C’est le cas de Mario Martinez, président de l’Association paysanne de la Vallée du fleuve Cimatarra qui lutte à travers la création d’une zone de réserve paysanne qui permet légalement la reconnaissance de titres collectifs tout en donnant la possibilité de commercialiser la terre. Il affirme ainsi que « l’Etat respecte l’accompagnement international. Nous avons pu travailler dans de nombreux lieux où nous sommes vulnérables et grâce à PBI, il ne s’est rien passé ».
Engagement de la Suisse
Les deux pactes internationaux de 1966 ont été ratifiés par la Suisse et sont entrés en vigueur en 1992. Depuis 2002, la Confédération considère d’ailleurs la Colombie comme un pays prioritaire dans sa politique en matière de paix et de droits de l’homme. A travers le programme SUIPPCOL, elle souhaite renforcer les droits de l’homme et favoriser les initiatives de paix de la société civile, le travail de mémoire ainsi que la justice transitionnelle. La Suisse est notamment impliquée dans ce processus de restitution des terres par le biais d’un soutien juridique. En effet, les juristes mis à disposition dans le cadre du programme SUIPPCOL soutiennent les paysans et leur droit à faire valoir leurs droits de propriété face à l’Etat.
Plus d'informations:
- OHCHR: Our rights, our freedoms, always. Human Rights Day 2015
- Rapport sur la situation colombienne réalisé par Amnesty International, 2014