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Kenia

Kenya: Le combat de Ruweda Mohamed contre la violence sexiste

Kenya: Le combat de Ruweda Mohamed contre la violence sexiste

Dans la communauté côtière de Kilifi, au Kenya, Ruweda Mohamed mène une révolution silencieuse mais puissante. Directrice de la Desire Youth Initiative, elle est devenue une voix de premier plan dans la lutte contre la violence basée sur le genre. Ayant grandi dans une région où les mutilations génitales féminines (MGF) étaient longtemps non seulement tolérées, mais même célébrées, son parcours – de simple observatrice à activiste déterminée – témoigne d’une résilience remarquable et d’un courage inébranlable.

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Ruweida Muhammad

«Je m’engage pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles à Kilifi, et pour défendre le droit à la santé sexuelle et reproductive», déclare Ruweda. Elle est en première ligne dans la lutte contre les féminicides au Kenya. Grâce à son travail, elle sensibilise les communautés, informe sur les structures d’aide en cas de violences et explique comment les survivantes peuvent obtenir justice – une étape décisive dans un monde où les normes patriarcales réduisent souvent les victimes au silence.

Informer, sensibiliser et gagner la confiance des communautés

Dans certaines régions de Kilifi, les MGF sont encore considérées comme un rite de passage destiné à préserver la «pureté» des filles. «Dans notre culture, on est considéré comme impur si on n’a pas subi cette intervention chirurgicale», explique Ruweda. Elle lutte contre cette pratique en informant les femmes sur ses dangers, souvent à travers des récits personnels, comme celui de sa cousine, qui a failli mourir en donnant naissance à son enfant. «Je viens de cette communauté. Elles me font confiance parce que j’ai moi-même vécu les conséquences de cette pratique», confie-t-elle.

Sa stratégie combine sensibilisation et pression juridique – une approche qu’elle décrit comme une méthode du «bâton et de la carotte». Et cela fonctionne: de plus en plus de personnes commencent à changer de regard. Toutefois, ce courage a un prix: Ruweda reçoit des menaces, est parfois marginalisée – même sa propre famille a tenté de l’arrêter. «D’une femme musulmane, surtout célibataire, on n’attend pas qu’elle remette les traditions en question», explique-t-elle. Grâce à une formation en sécurité de PBI, elle poursuit son engagement, notamment lors de récentes manifestations contre un féminicide local. «Quand ce meurtre a eu lieu, j’ai su qu’il fallait agir», se souvient-elle.

Une résistance aux structures patriarcales

L’engagement de Ruweda va bien au-delà des féminicides et des MGF. Elle s’attaque également au sexe transactionnel*, aux violences sexuelles et aux obstacles systémiques dans l’accès à la justice. Un cas l’a particulièrement marquée: celui d’une fille de 13 ans violée par son oncle, alors que sa mère travaillait à l’étranger. «Beaucoup de chefs communautaires règlent ce genre de situations en secret – mais moi, j’exige des comptes», affirme-t-elle. Lorsque le gouvernement a envisagé d’instaurer une taxe sur les produits menstruels, elle a mené une mobilisation communautaire, soulignant que cette mesure aurait gravement menacé la santé et la dignité des filles.

La force du réseau et la solidarité

Son parcours n’a pas été facile. Au début, Ruweda hésitait à s’exprimer, par crainte de représailles. Mais intégrer le projet Toolkit soutenu par PBI et son réseau lui a donné la force de poursuivre: «Rencontrer d’autres défenseurs·euses musulman·e·s des droits humains m’a montré que je n’étais pas seule», confie-t-elle. Aujourd’hui, ses sessions de sensibilisation sont accueillies jusque dans les mosquées, et elle bénéficie d’un soutien croissant des leaders communautaires.
«Les femmes en politique sont ici très rares – la plupart des sièges sont occupés par des hommes», explique-t-elle. Mais sa persévérance commence à changer la donne.

Dans une société qui réduit souvent les femmes et les filles au silence, Ruweda Mohamed élève sa voix et reste debout. Par l’éducation, les outils juridiques et une détermination inébranlable, elle lutte contre les mutilations génitales féminines, les féminicides et d’autres formes de violence structurelle. Elle ouvre la voie à une nouvelle génération de femmes et de filles à Kilifi, conscientes de leurs droits – et prêtes à les faire valoir.

 

*Le terme sexe transactionnel désigne des relations sexuelles en échange d’avantages matériels ou financiers – argent, nourriture, vêtements, frais de scolarité ou logement. Ce n’est pas de la prostitution formelle, mais une pratique souvent tacite, qui s’inscrit dans des contextes de précarité ou de déséquilibres de pouvoir.

Texte: PBI Kenya