Trois semaines après la visite du Président Américain Barack Obama au Kenya, Charlotte Ivern - volontaire française pour PBI Kenya - nous entretient sur les défis en matière des droits humains dans ce pays d’Afrique de l’Est.
Que peut-on retenir de la visite effectuée en juillet dernier au Kenya par le président des Etats-Unis, Barack Obama, sur le plan des droits humains ?
La question des droits humains n’a pas fait partie des principaux sujets contrairement à ce qu’avaient espéré plusieurs organisations de défense de ces droits. Lors d’une conférence télévisée le sujet a été évoqué par une organisation représentant les musulmans mais le président Obama n’a pas rebondi dessus. Au sein du monde des défenseurs des droits humains kenyans, le sentiment dominant est que la cause des éléphants en voie de disparition, longuement au menu des discussions, a pris le pas sur la protection des droits humains. Le président a par ailleurs milité en faveur de la reconnaissance des droits des homosexuels mais le gouvernement kenyan n’y a pas été favorable.
Quels sont les défis qui se posent au Kenya en matière de droits humains que les ONG auraient souhaité mettre en avant ?
L’une des problématiques majeures concerne la situation des organisations de défense des droits humains qui travaillent dans les régions en proie au terrorisme. Comme ces organisations dénoncent les exactions des forces de l’ordre dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, elles sont l’objet de criminalisation et leur légitimité est remise en cause par les autorités. Le cas le plus édifiant est celui de MUHURI (Musulmans pour les droits humains) and HAKI Africa, deux ONG locales qui se sont récemment vues inscrites sur une liste officielle de présumés supporters du terrorisme. Leurs comptes bancaires ont été gelés par les autorités au motif de vérifier l’origine de leurs sources de financement et leur conformité avec la loi. Cette situation a été dénoncée en juin par une coalition d’ONG dont Humans Rights Watch et Amnesty International dans un communiqué qui appelait le gouvernement à cesser « le harcèlement et l’intimidation » à l’encontre de ces organisations de défense des droits humains.
En dehors de cette problématique, quelles sont les autres thématiques qui retiennent l’attention sur le plan des droits humains au Kenya?
Outre la criminalisation des organisations qui opèrent dans les zones en proie au terrorisme, on note au niveau national les violences policières, les problèmes liés à l’accès à la terre, le droit du travail et les droits environnementaux. Sur le plan international, le sujet principal a trait aux poursuites engagées par la Cour pénale internationale contre les dirigeants kenyans dans le cadre des violences électorales qui ont coûté la vie à plus d’un millier de personnes en 2007. Si les charges engagées contre l’actuel président Uhuru Kenyatta ont été abandonnées fin 2014, celles contre le vice-président William Ruto restent maintenues.
Parmi les thématiques que vous venez d’évoquer, quelles sont celles sur lesquelles travaille PBI Kenya ?
Nous travaillons actuellement sur les exécutions extrajudiciaires et la criminalisation des défenseurs des droits humains dans les bidonvilles de Nairobi. Dans ce contexte, nous accompagnons deux organisations liées : Bunge la Mwananchi (le parlement des citoyens), dont les membres luttent pour les droits des habitants des bidonvilles et leur accès à la justice, et Bunge la Wamama Mashinani (le parlement des femmes de la base), une organisation de femmes qui militent pour le droits à la contraception, à l’avortement et l’égalité homme-femme. L’équipe accompagne également une nouvelle organisation, Mathare Social Justice Centre (Centre de justice sociale de Mathare), dont les membres issus des bidonvilles essaient de s’organiser pour sensibiliser leur communauté sur la manière de collecter les informations liées aux exactions subies et les personnes ressources vers qui se diriger pour se plaindre ou obtenir protection.
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