Entre la création de nouvelles forces armées, l'intrusion de l'armée dans la sphère civile telle que dans les écoles ou dans les prisons, et la négligence de la prévention de la violence, la remilitarisation au Honduras préoccupe les citoyen·ne·s et les organisations civiles.
Fin 2019, le gouvernement hondurien a annoncé que les forces militaires recevraient plus d'un milliard de lempiras honduriens (environ 38 millions de francs suisses) pour gérer le programme Desarrollo Agrícola au Honduras, mettant de côté les institutions agricoles du pays. Le bureau régional de la Paz du CNTC (Central Nacional de Trabajadores del Campo) explique que les mêmes institutions qui ont harcelé, attaqué, lancé des gaz lacrymogènes et expulsé les paysan·ne·s et les agriculteur·rice·s veulent maintenant les avoir comme allié·e·s: «Nous ne l'accepterons pas. Nous avons accumulé beaucoup de méfiance à leur égard au fil des ans».
La remilitarisation de la sphère civile au Honduras n'est pas un phénomène nouveau. En 2011, l'actuel président Juan Orlando Hernández, alors président du Congrès, a autorisé l'armée à exercer des fonctions de police et de sécurité publique. Le Conseil de défense et de sécurité nationale, qui a autorisé cette mesure, a été promulgué le jour même, cinq jours seulement après son adoption. La Commission interaméricaine des droits de l'homme a dénoncé cette situation en 2018 en remettant en cause l'indépendance et l'impartialité des institutions étatiques.
La création de nouvelles unités militaires
Un événement important dans la remilitarisation du Honduras a été l'autorisation donnée aux militaires d'exercer des fonctions de police «temporairement» et dans les «situations d'urgence». Cependant, la loi a déjà été prolongée à plusieurs reprises et a été suivie par la création de la Police militaire pour l'ordre public (PMOP). Aujourd'hui, la PMOP fonctionne toujours comme une branche de la police des forces armées et comptait 5'000 agents en 2017. À l'heure actuelle, aucun projet de démantèlement n'est en cours.
L'unité spéciale de police militarisée TIGRES a été créée en 2013 avec pour mission de renforcer les mesures institutionnelles pour lutter contre l'insécurité. Bien que cette unité fasse partie des forces de police du pays, elle porte des uniformes de camouflage, des armes à longue portée et des équipements de communication spécialisés. Les organisations de la société civile signalent que la TIGRES et la PMOP effectuent des tâches de sécurité mixtes, telles que la patrouille des routes et autoroutes, le maintien de l'ordre lors de manifestations publiques et la protection des sociétés minières et hydroélectriques en cas de conflit avec les communautés locales.
Au total, il existe 19 unités policières et militaires différentes au Honduras, dont les responsabilités peuvent être similaires à celles des autres unités. En réponse à la mise en place de ces nouvelles unités, l'ancienne responsable du Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) au Honduras, María Soledad Pazo, avait souligné en 2018 la nécessité de démilitariser la sécurité publique: «une force de police militaire qui n'est pas formée pour accomplir les tâches d'une force de police civile ne peut être maintenue, car le risque de violations des droits humains est élevé».
Une présence dans les écoles et les prisons
La remilitarisation du Honduras ne se limite pas à la sécurité des citoyen·ne·s, mais touche également d'autres domaines de la vie quotidienne. En 2012, l'armée s'est vu confier l'administration du programme «Guardianes de la Patria». L'objectif était d'enseigner les idéaux militaires, civiques et religieux dans les écoles publiques, ce que les organisations de la société civile ont qualifié de très préoccupant.
En outre, des groupes militarisés ont pris la responsabilité de quatre prisons de haute sécurité à la suite de morts violentes dans le système pénitentiaire hondurien. Bien que cette mesure ait été qualifiée de temporaire, la décision n'a pas encore été révoquée. Toutefois, la présence des forces armées n'a pas contribué à une diminution des violations des droits humains dans le système pénitentiaire. Le Comité Nacional de Prevención Contra la Tortura Tratos crueles Inhumanos y Degradantes (CONAPREV) déclare que la militarisation du système pénitentiaire viole les normes internationales en matière de droits humains. Les ONG préviennent que cette démarche «ne conduira à aucun changement» et que si une intervention est nécessaire, elle «doit venir de la société civile».
Le financement des groupes militaires
Les nouvelles fonctions des forces armées ont mené à une augmentation du budget militaire, qui a augmenté de 7,2% entre 2016 et 2018 et, selon le HCDH, «remet en question l'intérêt du gouvernement à promouvoir continuellement la sécurité civile». En effet, il est évident que l'intervention des forces armées en matière de sécurité intérieure est associée à des violations des droits humains dans des contextes violents. La prévention de la violence, quant à elle, ne bénéficie que d'une faible priorité, moins de 6% du budget de la sécurité lui étant alloué. Dans ce contexte, il existe également de nombreux doutes sur la manière dont les forces armées ont géré ces fonds, car ces informations sont qualifiées de secret d'État.
«Les soldats s'immiscent dans les questions de télécommunications, d'énergie, de justice [...]. En outre, nous constatons que cette militarisation tente de se consolider en demandant au prochain gouvernement davantage de ressources pour la police et les forces armées», déclare Reina Rivera, avocate et défenseuse des droits humains.
Plus d'informations:
- Lire l'article complet: La otra cara de la militarización: vulneraciones de derechos humanos, PBI Honduras, septembre 2021
- Honduras: les «zones d'emploi et de développement économique» mettent en danger les droits humains, PBI Suisse, 01.09.2021