PBI a rencontré Ariane Assemat, l’une des responsables du plaidoyer du Centre des droits humains de la Montagne Tlachinollan au Mexique, lors d'une visite en Suisse. Elle nous a parlé notamment de la récente libération des 16 membres du CECOP qui luttent contre la construction du barrage de La Parota.
Le Guerrero est l’une des régions les plus pauvres et des plus violentes du Mexique, où les entreprises sont attirées par la richesse de la terre et les possibilités extractives. La situation politique est également particulière, car alors que tous les parlementaires sont nouveaux au niveau fédéral, il n’y a pas eu d’élections pour un nouveau gouverneur au niveau régional en 2018 – les élections n’ont pas lieu la même année dans tous les états – et le Guerrero n’a pas pu profiter de cette vague de gauche qui a amené Andrés Manuel López Obrado à la présidence du pays. « C’est une situation compliquée qui nous oblige à chercher des interlocuteurs davantage au niveau fédéral que local », explique Ariane Assemat. « Par ailleurs, le problème principal du gouvernement au niveau local est le niveau élevé de corruption et de collusion avec la délinquance organisée, ainsi que la criminalisation des activistes. » Une situation difficile donc pour Tlachinollan, qui parvient tout de même à remporter des petites victoires : « Nous avons des succès au niveau local, et sommes en train de mettre au point une stratégie pour créer des alliances et rassembler les luttes, afin d’avoir de plus grandes chances de gagner des cas. Par exemple, nous sommes allés à la Cour Suprême avec la communauté San Miguel del Progreso, qui se battait contre une entreprise minière péruvienne à capital anglais. Nous avons accompagné la communauté et sommes parvenus à annuler la concession en 2017. Au niveau de la Cour Suprême, nous demandions l’analyse de la constitutionalité de la loi minière. Nous avions donc là une opportunité de réformer cette loi, mais l’entreprise minière a pris peur et a préféré renoncer à la concession. Cette manœuvre nous a permis de gagner au niveau local, mais pas de mener le cas à un échelon plus élevé. Cela viendra. »
Libération de militants emprisonnés
Une autre victoire mérite d’être signalée dans une bataille menée par le Centre Tlachinollan contre la construction du barrage La Parota. Son exploitation aurait généré l'inondation de 17’000 hectares de jungle et de 36 communautés, ainsi que le déplacement direct de 25’000 personnes et indirect de 75’000 personnes. En juin 2019, 16 défenseurs de l’eau et du territoire, membres du CECOP (Consejo de Ejidos y Comunidades Opositoras a la Presa La Parota), ont été libérés après avoir passé 18 mois en prison pour accusation d’homicide. Suite au travail de plaidoyer des employés de Tlachinollan, le juge a innocenté ces militants.
CECOP lutte contre la construction de ce barrage depuis 2003. La compagnie d'électricité publique Comisión Federal de Electricidad (CFE) a utilisé des moyens déloyaux pour obtenir l'approbation du projet. Ils ont notamment empêché les opposants au projet d'assister à d'importantes réunions de consultation. Après que CECOP ait passé trois ans à essayer d'empêcher ces réunions illégales, un tribunal mexicain a décidé en janvier 2006 que certaines de ces réunions étaient nulles. En 2008, CFE a finalement admis qu'elle n'avait pas obtenu l'approbation nécessaire pour ce projet. En août 2012, après presque 10 ans de lutte, le projet de barrage de La Parota a été légalement déclaré suspendu. Mais le projet reste à l'ordre du jour du gouvernement. La construction du barrage entraînerait l'inondation de 17 000 hectares de forêt tropicale et de 36 communautés et le déplacement d'environ 100 000 personnes de leurs terres. PBI a soutenu la libération des militants par le biais d'un travail de plaidoyer international, de même que le cas de San Miguel del Progreso.
Plaidoyer international pour défense locale
Ariane Assemat est venue en Europe pour faire du plaidoyer et s’est rendue en Belgique et en Suisse. À Bruxelles, la responsable du plaidoyer a participé aux European Development Days, à l’invitation de ProtectDefenders, pour parler de la lutte des peuples autochtones pour leur territoire et de la criminalisation dont ils sont victimes. À Genève, elle a participé à un atelier d’échange de pratiques avec d’autres organisations qui luttent contre les violences sexuelles et de genre, à l’invitation du HCDH de l’ONU. Tlachinollan a été invité à cet événement pour parler du cas de Inés et de Valentina, deux femmes autochtones qui ont été victimes de violence sexuelles de la part de l’armée et que l’organisation est parvenue à condamner au niveau de la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme.
Plus d'information: