Exilée au Costa Rica, Ruth Blas fait partie des plus de 100’000 nicaraguayen·ne·s qui ont fui la forte répression dans le pays afin de trouver un environnement plus sûr dans le pays voisin. De passage en Suisse en décembre dernier dans le cadre d’un speaking tour, elle a partagé avec nous son vécu dans une interview.
Depuis 2018, le Nicaragua traverse une profonde crise politique. Suite aux manifestations qui avaient éclaté un peu partout dans le pays, dénonçant les pratiques autoritaires et antidémocratiques du gouvernement nicaraguayen de Daniel Ortega, ce dernier continue de répondre par la violence. Aujourd’hui, c’est un État policier qui fait régner l’ordre dans le pays, en édictant des lois interdisant les protestations sociales et en réduisant au silence les voix d’oppositions. Des centaines d’ONG nicaraguayennes et internationales se sont vues forcées de quitter le pays, pour éviter des emprisonnements ou la perte de leur personnalité juridique. Forte de son expertise, PBI soutient depuis 2019 les personnes défenseuses des droits humains nicaraguayennes exilées au Costa Rica.
1) Pour quelles raisons avez-vous décidé de prendre la route de l'exil?
Ruth : Mes fils ont commencé à régulièrement prendre part à des manifestations étudiantes et j’ai également suivi dès 2018. Pour cette raison, le gouvernement nous a rapidement perçu comme des opposants politiques et nous avons commencé à recevoir des menaces. Un de mes fils risquait la prison et moi la mort. Un jour, on a vandalisé notre maison ; c’est là que j’ai décidé de fuir mon pays, pour sauver ma vie. Depuis mon pays d’accueil, le Costa Rica, je tente également de rester discrète, car mon action depuis l’extérieur pourrait porter préjudice à ma famille. Il n’est en effet pas rare que le gouvernement nicaraguayen utilise les proches restés dans le pays pour faire pression.
2) Pouvez-vous nous en dire plus sur l’organisation Red de Mujeres Pinoleras dont vous faites partie?
La Red de Mujeres Pinoleras est un réseau créé en 2020 qui regroupe des femmes nicaraguayennes réfugiées et requérantes d’asile au Costa Rica. Nous luttons pour le droit de ces femmes et sommes un espace de résistance depuis l’exil. Nous haussons la voix pour celles qui ne peuvent pas le faire depuis l’intérieur. C’est aussi un réseau qui permet l’entraide, notamment pour subvenir à nos besoins primaires. Car il faut se rendre compte qu’en quittant notre pays nous quittons tout, et devons repartir de zéro au Costa Rica. Aujourd’hui, lorsqu’une femme exilée arrive au Costa Rica, elle entend rapidement parler de notre organisation et nous pouvons lui venir en aide.
3) PBI soutient l’organisation Red de Mujeres Pinoleras depuis ses débuts. Quel est l’appui concret que PBI vous apporte dans votre quotidien?
PBI nous soutient en proposant des ateliers sur le bien-être psychosocial et la sécurité numérique. Les femmes qui arrivent viennent généralement d’un environnement très violent au Nicaragua et sont vulnérables. Les ateliers psychosociaux proposés les aident à guérir de leurs blessures. De même, les formations sur la sécurité digitale sont aussi centrales pour nous, puisque bien souvent, par manque d’informations, nous nous mettons involontairement dans des situations dangereuses, comme sur les réseaux sociaux où nous avons tendance à trop nous exposer. Depuis ces formations, je n’utilise par exemple plus que des applications sécurisées pour envoyer des messages.
«En me tournant vers la lutte civique, je n'ai pas choisi le chemin le plus facile ou rapide. Je sais que ça prendra du temps, mais je suis convaincue que mes enfants pourront voir le Nicaragua libre!»
Plus d’informations:
- News sur le speaking tour: Nicaragua: il faut maintenir la pression internationale en faveur des droits humains, PBI Suisse, 30.01.2023
- Vue d’ensemble sur le projet de PBI au Nicaragua et au Costa Rica
- News de PBI sur les droits humains Nicaragua